Je te relève de ta garde soldat. Ouvert

C’était mon tour de garde ce soir, mon arme en mains je montais d’un pas régulier les marches de bois craquantes qui me menaient tout en haut du clocher de l’église, lieu stratégique où nous faisions le guet. Cette vieille église pourrie avait encore des relents nauséabonds d’encens, une odeur qui avait le don de me rappeler des souvenirs de ma vie avant cette apocalypse. Comme toute bonne famille américaine nous allions tous ensemble à l’église le dimanche matin, tous bien habillés et allions bruncher ensuite. Parfois mon père, qui trouvait cette tradition aussi stupide et barbante que moi, apportait des bonbons et alors que tout le monde priait en silence à genoux sur le banc dur, moi et lui nous nous régalions de sucrerie en faisant un concours de grimace, le premier à rire avait perdu et le perdant avait comme punition le regard furieux de ma mère et celui remplit de jugement du prêtre. Si au moins j’avais été croyante…

Alors que je montais les dernières marches je me demandais bien comment les vrais croyants avaient pris la chose lorsque cette maladie s’était abattu sur nous? Enfin… Ils ne pouvaient tout de même pas croire que leur supposé Dieu leur avait envoyé intentionnellement cette chose pour punir la race humaine si? Pfff s’il y avait vraiment un Dieu il était assez sadique et s’il n’y en avait pas… Eh bien beaucoup ont dut être déçu lorsqu’ils sont passés de l’autre côté. Moi je m’en foutais, je vivais ma vie comme je l’entendais et je verrais une fois morte s’il y avait quelque chose d’autre après… De toute façon ça ne me servait à rien de m’inquiéter.

Je franchis les dernières marches qui me menaient au sommet du clocher, d’ici nous avions une vue imprenable, si notre groupe se faisait surprendre par quelque chose ou quelqu’un la faute revenait entièrement au guetteur, il n’y avait aucune excuse pour ne pas voir les alentours et ça même la nuit tombée, nous avions assez de lumière et de protection pour être mit au courant de la moindre infraction sur notre territoire. Un sourire étirait mes lèvres roses alors que je posais ma main sur l’épaule de l’homme debout dos à moi.

-Je te relève de ta garde soldat.

Lors de mon ascension des dernières marches j’avais entendu le son réconfortant de la guitare de Charles se stopper lorsqu’il sut que j’approchais, dommage j’adorais l’entendre gratter les cordes de sa guitare… Une chose que je n’avais jamais réussie à apprendre, la musique. Oh bien sûr je la comprenais, je la sentais à travers mon corps lorsque je dansais, mais en jouer! Je m’étais débattue avec plusieurs instruments avant de m’avouer rageusement vaincue, le seul instrument qui s’était laissé apprivoisé par mes doigts habiles était le piano, je n’étais aucunement une virtuose, mais j’étais capable de jouer au clair de la lune!

J’étais debout adossée à la rambarde, le regard rivé vers l’horizon, la vue était magnifique. Ma longue chevelure ondulait doucement au contact d’un léger vent tiède, mes mains serrèrent le bout de bois sur lequel elles étaient, retourner en bas! Non merci! Je n’étais aucunement intéressée à aller rien faire avec les autres ou pire, me rendre utile en faisant la cuisine. Ici je serais tranquille, personne m’agacerait et je n’agacerais personne.

-Non merci, je préfère prendre mon tour, mais si tu veux rester avec moi je t’en prie.

Je m’abstiens de tout commentaires à propos de sa grâce du ciel et cela même si sa me démangeais fortement, je deviens plus sage avec le temps il faut croire! Je me redressais et posais mon sac à dos sur le sol dans un coin, mais avant je pris un paquet de chewing gum qui trainait dans la poche avant, j’en pris un puis je le lançais à mon partenaire d’infortune, simple geste pour lui en proposer, il n’aurait qu’à me le relancer une fois qu’il se serait servi.

-Tu comptes rester ici ou tu vas reprendre la route?

Malgré que nous avions fait un bout de chemin ensemble je ne connaissais pas encore beaucoup Charles. Je parlais beaucoup, mais jamais réellement de moi et de ma vie avant ce calvaire, j’en demandais autant des autres, ta vie ne me regarde pas. Cette façon de penser ne m’aidait pas à connaître les personnes qui m’entouraient… Mais de toute façon pourquoi je voudrais les connaître? Plus on connait quelqu’un et plus on s’attache et dans cette vie de merde il fallait mieux ne pas s’attacher, j’ai essayée et ça n’a pas fonctionné.

J’attrapais habilement d’une main mon chewing gum et de l’autre la flasque de whisky, quand vous survivez à l’apocalypse vous vous devez d’avoir de bon réflexe! Je rangeais mes bonbons dans mon sac et bu une gorgée de la flasque avant de la refermer et de la relancer à son propriétaire tout en évitant qu’il voit ma grimace. Je n’avais pas eu beaucoup d’occasion de boire de l’alcool avant tout ça et malgré le fait qu’il était tentant de vouloir tout oublier avec une bonne cuite je m’étais abstenue pour une simple et bonne raison, ma survie. Une gorgée ne faisait pas de tords, mais n’étant pas familière avec le goût puissant du whisky je dû me retourner pour que Charles ne voit pas mon visage grimaçant alors que le breuvage se frayait un chemin brûlant jusqu’à mon estomac.

Lorsque je fus entièrement en contrôle de moi-même je me retournais vers mon compagnon de voyage de ses derniers jours tout en acquiesçant, je n’avais pas eu le loisir de bien m’intégrer au groupe, mais il était vrai que les gens de ce groupe semblaient se mêler de leurs affaires. Je ne savais pas si je voulais réellement rester, mais pour l’instant cet endroit me paraissait correct, de toute façon qu’elle autre but que j’avais si ce n’était que de survivre dans cet enfer, que je sois avec un groupe ou un autre, pour autant que le peu de valeur qui me restait était les mêmes… Il n’y avait pas de problème.

-T’aime pas trop les groupes hein? J’te comprends… Ça fait deux que je perds depuis ce merdier.

Je croisais les bras sous ma poitrine, mes pensées me ramenèrent sans que je le veule vers Dylan, un des membres du dernier groupe avec qui j’étais. Je ne savais pas s’il était toujours en vie, on a été séparée lors d’une attaque d’un autre groupe et après quelques jours d’errance seule je m’étais retrouvée avec Charles puis ici. Peut-être que dans mon nouveau poste de vadrouilleur au sein de ce groupe j’allais le retrouver… Vivant ou en zombie.

Je me retournais vers l’horizon, histoire de faire mon travail comme il se devait d’être fait. Je crois bien que s’était une des plus longues discussions que j’avais eu avec Charles depuis que nous nous étions rencontrés sur le bord de la route. Sans me retourner je continuais notre discussion.

-Deux travails? Je sais pour l’armée… Je sais que tu me l’as pas dit, mais s’est trop évident. Par contre l’autre j’en ai aucune idée… Mais sa me tourne dans la tête depuis qu’on voyage ensemble, je t’ai déjà vu quelque part… Tu étais acteur?

Je ne me doutais pas une seule seconde que l’homme avec qui j’avais voyagé jusqu’ici puisse être un chanteur. Il fallait dire que la musique que j’écoutais avant cette maladie de films d’horreurs n’était pas du tout ce genre-là et maintenant si on me mettait du Lady Gaga dans les oreilles je frapperais celui qui aura oser… Born this way mon cul!

Je me retournais à nouveau vers Charles, il fallait bien que je regarde de tous les côtés pour bien faire le guet. Je souriais un peu tristement, perdre quelqu’un était déjà difficile en soi, mais perdre quelqu’un et ne sachant pas s’il était vivant ou pas je trouvais sa encore plus dur… Ça donne de l’espoir alors que dans ce monde de dingue on a plus que cinquante pour cent des chances que la personne soit manger par une horde de zombie et si la chance était là elle ne se transformerait pas en une de ces choses. Je fis une légère moue, histoire de détruire la tristesse de mon regard, j’avais appris à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas se rattacher au passé pour moi Dylan était disparu et probablement mort, me morfondre ne servirait à rien et partir à sa recherche ne me donnerait que de faux espoirs, malgré cela je ne voulais pas faire chier Charles en lui disant que sa partenaire était sûrement en état de décomposition. J’étais chiante, mais j’avais mes limites et faire chier un gars qui fait le double de mon poids sinon le triple tout en muscle avec une arme merveilleusement bien nettoyée n’était pas une bonne idée, je tiens à ma vie après tout.

Je me concentrais donc sur sa question à mon propos, j’haussais les épaules tout en faisant aller ma main dans le vide de façon vague.

-Quelques jours, peut-être une ou deux semaines. J’étais avec un groupe mais on a été attaqué par une gang de débile. Ils en ont tués plusieurs… Je ne sais pas ce qui est arrivés aux autres, je suis peut-être la seule survivante. J’en ai descendu quelques-uns avant que notre chef nous ordonne de fuir… Le pauvre a reçu une balle dans la tête juste après. Quand j’ai vu qu’ils nous voulaient vivants le plus possible j’ai pris la fuite, je préfère être morte que de tomber dans un groupe de malade.

J’avais la jasette facile ce soir, en fait je l’avais tout le temps facile, moi et ma grande gueule.

Je secouais négligemment la tête, sa aussi s’était évident que je n’avais pas fait l’armée ni rien d’autre de ce genre d’ailleurs, ce qui se rapprochait le plus s’était mes sortis avec mon parrain policier qui m’apprenait à bien viser une cible dans un stand de tir, rien de plus rien de moins.
Lorsque mon compagnon de route me dit son secret mon visage s’éclaira, bien sûr! Mon père adorait le country! J’avais sûrement dû voir Charles sur un album ou à la télévision.

-On ne s’est jamais rencontré, mais mon père adorait le country, je t’ai sûrement vu à cause de ça…


Je fis un léger tour de l’horizon histoire de bien m’assurer qu’aucun mort vivant ou humain indésirable se trouvaient dans les environs puis je reportais mon attention sur notre conversation, mon expression avait prit une mine sombre, les zombies étaient une chose, mais les êtres humains étaient et resteraient toujours les pires. Le zombie ne sait pas trop ce qu’il fait, il a faim s’est tout, il n’a plus aucune pensée tandis que l’être humain fait des choses terribles et a toute sa tête.

-J’ai courus longtemps… Je ne sais pas à qu’elle distance je me trouvais quand tu m’as trouvé. Nous étions nomades moi et mon groupe, ont s’étaient arrêtés dans un petit village près de la grande route, il semblait vide lorsque nous avions fait un tour de reconnaissance. Nous avons campé dans un champ avec nos véhicules et s’est durant la nuit qu’ils ont attaqués…

Je soupirais, essayant de me remémorer les évènements, je me souvenais des cris et de Dylan qui sortait de la tente dans laquelle nous nous trouvions. Il est rentré prendre son arme et m’a dit de rester à l’intérieur, il me connaissait mal s’il pensait que j’allais rester assise à attendre. J’avais ramassée mon sac à dos toujours prêt pour ce genre de situation, mon arbalète et mon arme à feu et j’étais sorti. C’était le chaos dans le camp, j’ai dû éviter le cadavre d’une fille en cherchant à me positionner de façon à voir les attaquants tout en me dissimulant.

J’haussais les épaules en regardant Charles, je ne savais pas vraiment quoi lui dire d’autres.

-Si tu les avais vu… Des vrais malades habillés comme dans les films d’apocalypse à la Mad Max. Je les ai vu ramasser des membres de mon groupe et les jeter dans un camion ensuite je n’en sais pas plus que toi… Lorsque j’en ai vu un prendre une fille par les cheveux et de la jeter dans le camion j’ai paniqué et je me suis tirée…

Je n’étais pas fière de mon geste et cela se voyait sur mon visage, je me disais souvent que si je serais restée peut-être que j’aurais pu sauver des membres de mon groupe. Je regrettais oui, mais je ne pouvais plus rien y faire et rester dans le passé me servirait à rien d’autre qu’à me faire tuer.

J’aurais voulu prendre sa main pour le retenir, juste pour sentir une chaleur humaine capable de chasser le froid qui m’avait envahi, mais je ne fis rien d’autre que de lui sourire un peu tristement. Ces paroles me touchaient droit au cœur et me réconfortaient, cependant je ne m’apitoyais pas sur mon sort longtemps, toujours regarder devant car si on détourne la tête pour se morfondre sur le passé on pourrait bien la perdre la tête… Une balle entre les deux yeux par exemple pourrait bien arrêter ma route d’un coup sec et ça pas question! Je voulais vivre cette vie même si elle était pourrie.

La détermination à nouveau dans mon regard j’allais passer un commentaire peu intéressant lorsque Charles prononça le nom de sa partenaire qu’il cherchait. Qu’elle jolie prénom, elle devait être vachement douée pour être si haute dans l’estime du cowboy debout en face de moi. J’allais le lui faire remarquer lorsqu’il annonça quelque chose qui me coupa net dans mon élan. Je ne m’attendais à tout sauf à ça! Ouh là! Je m’en voulais tout d’un coup d’avoir pensé qu’elle avait été bouffée par des zombies même si à ce moment là je ne savais pas qu’il s’agissait de la fille de Charles.

S’était donc pour cela qu’il voulait plus d’information sur le groupe qui avait attaqué mon groupe. S’ils prenaient les gens vivants et que sa fille était prisonnière d’un groupe semblable je comprenais qu’il veuille des infos.

-Je… On peut essayer de les retrouver si tu veux. C’est la moindre des choses après ce que tu as fais pour moi.

Je comptais bien l’aider, lui rendre la pareille de ne pas m’avoir laissé sur le bord de la route et j’étais capable de me mettre à la place de sa fille… À sa place je serais effrayée et j’attendrais avec impatience que mon père vienne me chercher. Je n’en avais plus moi de père, mais Rosa oui. Je m’étais trouvée un autre but que de seulement survivre, telle une quête de fallout nous allions trouver Rosa! Il ne manquait que les armures de métal et nous y étions presque… Ouain je sais j’ai beaucoup joué au jeux vidéo avant que tout éclate, mon seul défaut selon ma mère.

J’acquiesçais silencieuse, bien sûr que c’était son affaire, mais si j’apercevais une gamine j’allais poser la question… Et si je voyais un groupe de connard j’allais les buter pour retrouver Rosa, ce que Charles ne savait pas ne pouvait pas lui faire de tords.
Il allait se faire un camp à l’extérieur, mais tout de même près du camp des Epsilons, super! Je ne voulais pas le voir disparaître maintenant, c’est que je commençais à m’attacher à ce gros ours. Moi j’allais squatter les dortoirs, un lit même sommaire reste un lit!

J’hésitais une seconde avant de prendre la guitare de Charles, mais mon hésitation ne dura vraiment qu’une seconde, excitée comme une puce d’avoir l’instrument entre les mains. Je souris à pleine dents à l’homme devant moi.

-T’inquiètes j’y ferrais attention.

Tel un dragon protégeant un trésor j’allais défendre cette guitare contre tous les membres de ce camp. Je fis un signe de main à Charles alors qu’il descendait les marches bruyantes du clocher, je m’appuyais à la rambarde, désireuse de bien faire mon travail pour le reste de la soirée et de la nuit jusqu’à la relève. J’aperçu du coin de l’œil Charles sortir de l’église et se diriger vers la sortie du camp, vers la forêt. Je me redressais tout en faisant à nouveau des signes de la main.

-À BIENTÔT COWBOY!

Je n’avais pas le choix de crier, c’est que le clocher est assez haut.